
Ceux qui sont à la recherche d’un nouvel ordinateur portatif devront réviser leur vocabulaire informatique dans les mois à venir, car ils risquent d’entendre parler de « cœurs neuronaux » et « d’architecture ARM » ou « x86 ».
C’est notamment la montée en importance de l’intelligence artificielle (IA) et l’arrivée sur le marché du fabricant américain Qualcomm, connu jusqu’ici pour ses puces pour téléphones intelligents, qui changent la donne.
« On assiste à une renaissance du PC », a affirmé le président-directeur général de Microsoft, Satya Nadella, lors d’une allocution retransmise au salon de l’électronique Computex de Taïwan, où j’étais cette semaine à l’invitation des fabricants Intel et Asus.
Ces derniers jours, cette renaissance a aussi été qualifiée de « plus grande transformation depuis le lancement de Windows 95 », de « révolution » et de « point d’inflexion dans l’industrie », par différents PDG et gestionnaires ne manquant pas d’enthousiasme.
Voici quatre changements à surveiller dans l’industrie des ordinateurs portatifs au cours des prochains mois.
Une nouvelle puce est née
Microsoft prédit que le plus gros changement passera inaperçu aux yeux du grand public : c’est l’arrivée de la puce Snapdragon X, de Qualcomm. Une quinzaine d’ordinateurs portatifs dotés de cette puce seront lancés le 18 juin, par des fabricants comme Acer, Asus, Dell, HP, Lenovo, Microsoft et Samsung.
C’est donc la fin de la domination des fabricants de puces Intel et AMD, qui formaient depuis plusieurs décennies un duopole dans le marché des puces pour ordinateurs. Ce n’est pas la première tentative de Qualcomm de percer le marché des PC, mais c’est la première fois qu’elle le fait avec autant d’ambition et autant de partenaires différents.
Pour ne pas trop entrer dans le jargon, disons simplement que les puces de Qualcomm utilisent un jeu d’instructions ARM, soit le même que les puces qui équipent les MacBook et les téléphones intelligents. Les puces d’Intel et d’AMD, elles, utilisent un jeu d’instructions x86. Ces jeux d’instructions représentent comment les logiciels peuvent communiquer avec le processeur central de l’ordinateur. Les développeurs devront faire des heures supplémentaires pour adapter leurs logiciels, mais pour les utilisateurs, la transition s’effectuera en douceur. Apple est d’ailleurs récemment passée sans heurts de puces x86 à des puces ARM pour ses ordinateurs.
« Le marché est en pleine ébullition en ce moment avec l’arrivée de Qualcomm, et on sent qu’Intel et AMD ont accéléré la cadence pour y faire face », observe Sascha Krohn, directeur du marketing technique chez le fabricant Asus. Autrement dit, les lancements de processeurs vont se multiplier dans les mois à venir, et les innovations risquent d’être lancées de plus en plus rapidement. Merci la concurrence.
L’IA pour se différencier
Les premiers ordinateurs avec puces Qualcomm sont étiquetés « Copilot+ PC », un terme marketing mis en avant par Microsoft pour décrire certains PC dotés d’IA. Les puces d’Intel et d’AMD seront aussi utilisées dans des ordinateurs Copilot+, mais plus tard cette année.
Ces ordinateurs avec IA offriront tous certaines fonctionnalités développées par Microsoft, comme Recall, un outil qui prend constamment des captures d’écran de votre ordinateur pour vous permettre de retrouver ce que vous avez fait et ce que vous avez vu (vous pourrez par exemple demander à Recall « Où ai-je vu un chandail bleu dans une boutique en ligne la semaine dernière ? »).

Les fonctionnalités d’IA ne s’arrêteront toutefois pas là. Au Computex, chaque fabricant a présenté d’autres logiciels exclusifs utilisant l’IA. Les ordinateurs d’Asus auront par exemple le logiciel StoryCube, un genre de Google Photos grâce auquel les images sont analysées sur l’ordinateur, et non dans les serveurs d’une entreprise.
Et ce n’est là que le début. « Imaginez que vous puissiez discuter avec vos collègues ailleurs dans le monde, chacun dans votre propre langue, et que l’ordinateur traduise automatiquement ce que les autres disent », a expliqué au Computex Enrique Lores, PDG de HP, afin d’illustrer ce que l’IA pourrait apporter aux utilisateurs au cours des prochaines années. Des technologies pour traduire la voix tout en conservant le ton de la personne qui parle existent déjà, mais elles fonctionnent dans des serveurs, et coûtent cher à déployer. Un PC puissant doté d’IA permettrait d’effectuer cette traduction sur l’ordinateur directement, sans coût supplémentaire et sans que les données confidentielles quittent l’appareil.
Une autonomie améliorée
Depuis quelques années, les ordinateurs Windows offraient une autonomie plus courte que les ordinateurs Mac. Cela pourrait changer avec l’arrivée des puces Qualcomm. La plupart des nouveaux ordinateurs attendus en juin annoncent de 18 à 22 heures d’autonomie sur une seule charge. Certains modèles, comme l’Acer Swift 14 AI, pourraient même être utilisés pendant 26 heures consécutives, selon le fabricant, ce qui représente 10 heures de plus que le modèle avec puce Intel en vente présentement.
L’arrivée de Qualcomm et la domination des puces d’Apple ont d’ailleurs aussi forcé les autres fabricants à s’adapter. Les puces Lunar Lake d’Intel, qui vont équiper des ordinateurs portatifs lancés plus tard cette année, ont été spécialement optimisées pour améliorer l’autonomie des PC.
Selon l’entreprise, la consommation de cette puce aurait été réduite de 40 % par rapport à celle des processeurs actuels. « Nous ne sommes pas encore en mesure de chiffrer ces gains en heures d’autonomie, mais nous serons extrêmement compétitifs », assure Robert Hallock, vice-président et directeur responsable de l’IA dans les puces et du marketing technique chez Intel.
Bref, si vous voulez un ordinateur Windows avec une bonne autonomie, mieux vaut attendre l’arrivée des modèles avec les puces Snapdragon X dans quelques semaines, ou avec les puces Lunar Lake dans quelques mois.
La course aux TOPS
La majorité des processeurs pour le grand public qui seront lancés cette année sont équipés d’un processeur neuronal, ou NPU. C’est la partie de la puce qui est responsable de certaines tâches d’intelligence artificielle. Le NPU permet avant tout d’effectuer des tâches d’IA sans trop compromettre l’autonomie de l’ordinateur, comme flouter l’image autour de quelqu’un lors d’une vidéoconférence. C’est cette partie de la puce qui pourrait un jour rendre possible la traduction des voix en direct dans les vidéoconférences.
Une unité de mesure s’est imposée ces derniers mois pour différencier les NPU : les TOPS (pour tera operations per second), qui représentent les billions d’opérations (additions, multiplications, etc.) par seconde pouvant être réalisées par ces derniers.

On assiste maintenant à une véritable course aux TOPS. Les puces Snapdragon X offrent un NPU pouvant atteindre 45 TOPS, le NPU des puces Lunar Lake d’Intel aura une capacité de 48 TOPS et les nouvelles Zen 5 d’AMD, prévues pour cet été, seront dotées d’un NPU de 50 TOPS. Apple traîne un peu de l’arrière ici, avec 18 TOPS pour ses puces M3.
Certains fabricants affichent aussi les TOPS pouvant être atteints avec leur processeur central et leur cœur graphique. En regroupant tous ces composants, la future puce Intel Lunar Lake pourra ainsi offrir un total de 120 TOPS. Au Computex, j’ai même vu un ordinateur de jeu avec puce AMD Zen 5 (attendue pour l’été) annoncer jusqu’à 402 TOPS.
Les consommateurs ne devraient pas trop s’en faire avec les TOPS à l’heure actuelle, mais la présence d’un NPU, elle, est à privilégier à l’achat d’un nouvel ordinateur, puisque ce composant sera de plus en plus mis à profit par les développeurs.