
Assis derrière le volant d’une Cadillac LYRIQ, je file sur l’autoroute 417 entre Montréal et Ottawa lorsque la voiture détecte la présence d’un autre véhicule roulant à basse vitesse devant nous. Le clignotant s’illumine et la Cadillac change de voie. Tout ça alors que j’ai les bras croisés et que mes pieds ne touchent pas aux pédales. Quelques minutes plus tard, cependant, une alerte sonne. Pour une raison que j’ignore, je dois reprendre le volant illico.
Que ce soit avec Super Cruise de GM, BlueCruise de Ford ou la « capacité de conduite entièrement automatique » de Tesla, c’est à ça que ressemble la conduite d’un véhicule autonome en 2024 au Canada : une technologie impressionnante, mais imparfaite, qui nécessite notre attention constante. C’est ce que l’industrie appelle une autonomie de niveau 2.
On est loin des siestes et des réunions Zoom au volant promises par les constructeurs automobiles pour le début des années 2020. « Il y a eu un enthousiasme exagéré de la part de certains dirigeants », reconnaît le consultant américain Richard Bishop, qui conseille des fabricants de véhicules autonomes et publie des analyses de cette technologie.
Certaines voitures Mercedes-Benz et BMW atteignent une autonomie de niveau 3, où le conducteur n’a pas à surveiller la route. Mais les systèmes, difficiles à déployer d’une manière sécuritaire à grande échelle, ne fonctionnent que sur une poignée d’autoroutes, principalement en Allemagne.
Les véhicules commerciaux ont davantage le vent dans les voiles que ceux destinés au grand public. Aux États-Unis, l’entreprise de transport Aurora prévoit par exemple utiliser des camions autonomes au Texas d’ici la fin de 2024.
Le service de robots-taxis Waymo, une entreprise sœur de Google, effectue quant à lui 100 000 déplacements sans conducteur par semaine dans certains secteurs de Los Angeles, San Francisco et Phoenix, le tout sans accident grave jusqu’ici. Le service de robots-taxis Cruise l’imitera (en partenariat avec Uber) en 2025 après une pause forcée, une piétonne ayant été grièvement blessée par un de ses véhicules.
Au Québec, il faudra prendre son mal en patience avant d’embarquer dans un robot-taxi, cette technologie étant interdite sur les routes. Elle est de toute façon « trop chère pour être déployée à grande échelle », estime Krzysztof Czarnecki, professeur et chercheur au laboratoire de recherche sur les véhicules autonomes de l’Université de Waterloo, en Ontario. Le logiciel des véhicules de Waymo apprend à conduire grâce à une intelligence artificielle (IA), mais il doit être optimisé avec une cartographie détaillée des routes où le système est offert, et être amélioré constamment. « Il n’y a pas de conducteur, mais il y a beaucoup d’ingénieurs en coulisses pour que ça fonctionne », explique-t-il.
Tesla, qui prévoit entreprendre la production de ses robots-taxis sans volant en 2026 ou en 2027, emploierait pour sa part une approche où une IA apprend par elle-même à conduire sur tous les genres de routes. Alors que Waymo doit être adapté pour chaque ville, le système de Tesla pourrait en théorie être lancé sur un immense territoire dès le premier jour, résume Krzysztof Czarnecki. « Mais plusieurs de mes collègues et moi doutons que la technologie soit assez avancée pour le faire en toute sécurité », précise-t-il.
Bref, si j’ai envie de dormir en chemin lors de mon prochain voyage vers Ottawa, je prendrai le train.