
À l’horizon 2028, un établissement pénitentiaire ouvrira ses portes en Guyane. Annoncée par Gérald Darmanin, la prison de haute sécurité pourrait accueillir jusqu’à 500 personnes. Patrice Spinosi, l’auteur de Menace sur l’Etat de droit, publié aux éditions Allary, revient sur ce projet dans la matinale.
Quelques semaines auparavant, Laurent Wauquiez proposait d’« enfermer les étrangers dangereux sous OQTF » à Saint-Pierre-et-Miquelon. Aujourd’hui, c’est le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui annonce la création d’une prison de haute sécurité à Saint-Laurent-du-Maroni. L’objectif est d’y placer les détenus condamnés aux peines les plus lourdes pour narcotrafic ainsi que des détenus radicalisés.
Pour l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation Patrice Spinosi, ces annonces sont stratégiques : « On est rentré dans une phase où les candidats cherchent à se démarquer les uns des autres. Il faut exister aujourd’hui à droite ! Cette annonce s’inscrit dans cette forme de course à l’échalote des propositions. »
En ayant déjà en tête de l’élection présidentielle de 2027, un programme commence à se dessiner d’après l’auteur de Menace sur l’État de droit : « Un grand nombre d’hommes politiques ont comme agenda, lors des prochaines élections, de saper l’état de droit, c’est-à-dire l’ensemble des règles qui limitent les parlements souverains, comme étant l’ennemi à abattre. »
L’état de droit pris pour cible
« Il faut bien comprendre ce qu’est l’état de droit : c’est le carcan qui est imposé par la logique démocratique au parlement souverain pour éviter qu’il y ait des atteintes aux libertés comme la liberté d’expression ou le droit au procès équitable », explique l’administrateur de l’observatoire international des prisons.
L’état de droit fait partie des conditions d’une démocratie. S’il vient à être obstrué, cela peut être dangereux, alerte Patrice Spinosi « Le simple fait d’essayer de critiquer l’état de droit, c’est d’ores et déjà saper ses fondements et prendre le risque d’une déconstruction extrêmement grave de notre démocratie. »
L’avocat rappelle alors l’importance des élections : « Donner un poids à un dirigeant, c’est le principe même des élections, mais pour autant ce poids n’est pas sans limites. »
« Ça fait 20 ans qu’on fait des législations de plus en plus répressives »
« Le principe même de l’état de droit, c’est qu’il puisse y avoir une limitation au regard des libertés des individus de l’action des hommes politiques, sinon il y a un risque de glissement vers un régime autoritaire », affirme Patrice Spinosi.
D’après lui, les hommes politiques instrumentalisent une opposition à la justice pour essayer d’en faire un argument politique, mais sans efficacité : « Ça fait 20 ans qu’on fait des législations de plus en plus répressives et on n’arrive pas à voir un effet positif sur le taux de la délinquance. Les hommes politiques utilisent ces chiffres pour être élus. »
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Aujourd’hui, avec un taux de contribution à la justice de 70 euros annuellement par habitant, l’avocat conclut que « les hommes politiques cherchent à réformer la justice, mais personne ne se bat pour donner moyens à la justice pour qu’elle fonctionne mieux ».
Alessandra Wyak
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