
Quelque 99,9 % de la population canadienne a accès à un réseau de téléphonie mobile, selon le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Sur les routes de campagne ou lors d’une balade en forêt, c’est toutefois une autre histoire : les trois quarts du territoire canadien ne seraient pas couverts par les réseaux sans fil.
« De 12 à 15 millions de Canadiens perdraient souvent leur connexion cellulaire parce qu’ils vivent en bordure des réseaux », estime Jacques Leduc, président et chef de la direction de Terrestar Solutions, une entreprise montréalaise de services mobiles par satellite, fondée par des membres de l’équipe originale du fournisseur cellulaire Fido.
Ces interruptions de service aux conséquences parfois simplement agaçantes, mais parfois graves pourraient bientôt être chose du passé avec l’arrivée de la téléphonie satellitaire pour tous, qui reliera votre téléphone directement à un satellite plutôt qu’à une tour 5G. Et vous n’aurez pas besoin d’acheter un gros téléphone satellitaire ou encore une antenne séparée pour en profiter, comme c’est nécessaire actuellement avec des services comme Starlink, d’Elon Musk, et Strigo, de Terrestar. « Ça va fonctionner avec les téléphones intelligents de tous les jours », confirme Jacques Leduc.
La prochaine génération de puces mobiles, dont devraient être dotés certains téléphones lancés en 2024, sera en effet compatible avec un nouveau standard international leur permettant d’interagir directement avec les signaux qui proviennent des satellites (un standard, comme le 3GPP Release 17 dans ce cas-ci, permet notamment à plusieurs fabricants de proposer des appareils compatibles les uns avec les autres).
D’après un test réalisé par Telus et Terrestar, dont le satellite Echostar T1 est déjà fonctionnel et en orbite, la connexion devrait être d’une qualité suffisante pour l’envoi et la réception de messages textes. « On espère être en mesure d’offrir ce service en 2024 », dit Bernard Bureau, vice-président responsable des réseaux chez Telus. Les appels téléphoniques, eux, pourraient suivre en 2025. « Il faut encore définir le modèle d’affaires, mais notre objectif est que le passage d’un réseau cellulaire à un réseau satellitaire se fasse automatiquement, un peu comme c’est le cas quand on va à l’étranger et que notre réseau habituel n’est plus accessible », explique-t-il.
Apple offre déjà une connectivité satellitaire depuis le lancement de l’iPhone 14. Le service, qui permet d’envoyer des messages d’urgence prédéfinis, a d’ailleurs donné la chance à un résident de Baie-Comeau de joindre les services d’urgence, en septembre dernier, lorsqu’il s’est retrouvé coincé sous sa pelle mécanique à son chalet situé à 330 km au nord de sa maison, loin de tout réseau Wi-Fi ou cellulaire.
Les services satellitaires attendus en 2024 permettront d’écrire à n’importe qui, et pourront aussi un jour fonctionner ailleurs qu’au Canada. « Notre satellite couvre le Canada, mais il y a d’autres fournisseurs comme nous ailleurs », précise Jacques Leduc. La technologie de l’entreprise pourrait également être utilisée afin de relier des objets connectés, comme des capteurs installés loin en forêt pour détecter des incendies.
« Plusieurs entreprises mettent au point en ce moment la technologie pour atteindre des vitesses semblables à la 5G, mais par satellite », ajoute pour sa part Clint Crosier, directeur responsable des affaires spéciales d’AWS, le bras infonuagique d’Amazon. Ce n’est donc qu’un début pour la téléphonie satellitaire pour tous.
Cet article a été publié dans le numéro de mai 2024 de L’actualité, sous le titre « Satellite à l’écoute ».